On assiste à un assaut sans précédent pour tenter d’affaiblir l’enseignement républicain et laïque au profit de l’enseignement privé et confessionnel. En principe, la République « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». En coulisse, tout est fait pour torpiller l’esprit de cette loi dès qu’il s’agit d’éducation nationale.
Dans la plus grande discrétion, tout un pan du discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran vient d’entrer en vigueur. On se souvient de cette phrase dans laquelle le président plaçait le prêtre au-dessus de l’instituteur « dans la transmission des valeurs ». Depuis, il a tenté de minimiser. Ces mots traduisent pourtant une vision de la transmission et de l’enseignement que son gouvernement applique à la lettre.
Dans une autre partie de son discours, moins célèbre, le président regrettait que la République ne reconnaisse pas la « valeur des diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholique ». On pensait à la reconnaissance de diplôme de théologie… Ils n’ont pas à être validés par la République puisqu’elle ne « reconnaît aucun culte ». Mais le président s’obstine. Notamment avec l’arrière-pensée de pouvoir estampiller la formation des imams rêvée par le ministère de l’intérieur mais dispensée par la Catho. Un bricolage qui ne fait que renforcer l’impression d’une gestion postcoloniale de l’islam, donc la propagande islamiste. Tout en tuant à coup sûr l’esprit de 1905.
L’affaire est plus grave qu’il n’y paraît. Les décrets de cet accord – signé en catimini entre la France et le Vatican le 18 décembre 2008 – viennent de tomber. Ils prévoient la « reconnaissance mutuelle des diplômes de l’enseignement supérieur délivré sous l’autorité compétente de l’une des parties ». Or cette « reconnaissance » ne vaut pas seulement pour les matières théologiques mais aussi profanes. Autrement dit, le baccalauréat ou d’éventuels masters.
L’accord feint d’appliquer une directive européenne (le processus de Bologne), pensée pour reconnaître les diplômes étrangers, mais il change de nature à partir du moment où il est signé avec le Vatican, pour « reconnaître » des diplômes délivrés sur le sol français par des établissements de l’église. Ce qui revient non seulement à casser le monopole des diplômes qu’avait l’État depuis 1880, mais aussi l’esprit de l’article 2 de la loi de 1905.
Jusqu’ici, les établissements catholiques privés pouvaient parfaitement préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer leur diplôme avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs : de nombreux établissements privés choisissent de ne présenter que les meilleurs élèves sous leurs couleurs et d’envoyer les autres en candidats libres pour améliorer leur score de réussite au bac. Appâtés par des pourcentages tournant autour de 100 %, de plus en plus de parents se tournent vers ces établissements au détriment de l’école publique.
Le gouvernement fait tout pour encourager ce choix : démantèlement de la carte scolaire, baisse du nombre de professeurs dans le public… Le plan banlieue est à sec, mais on racle les fonds de tiroirs pour financer – sur fonds publics – l’ouverture de 50 classes privées catholiques dans les quartiers populaires. Un grand lycée Jean-Paul-II est sur les rails. Un collège tenu par l’Opus Dei est déjà sous contrat.
Il ne manquait plus que ça : la fin du diplôme d’Etat… Justement au moment où l’État annonce vouloir supprimer les IUFM, brader les concours, et remplacer leur formation par un master que pourrait préparer n’importe quel établissement privé. Comme ça, en plus de délivrer le baccalauréat, le Vatican pourra ouvrir des masters destinés directement aux futurs enseignants.
Un comité 1905 vient de porter plainte devant le Conseil d’État. S’il n’obtient pas gain de cause, le prêtre aura le champ libre pour reprendre la main sur l’instituteur.